Elle etait la... en lui

      Et tandis que la pluie déferlait sur son visage et qu'il ensanglantait ses poignets en tentant de se défaire de ses chaînes, l'elfe noir comprit...

Il comprit d'où venait cette impuissance qui le frustrait depuis tant d'années.
Lui qui avait débuté sa vie sous le signe de la torture, il avait réussi à remonter les échelons sociaux du clan de ses tortionnaires afin d'en devenir leur seigneur.
Ses poignets étaient à vif, ses menottes poisseuses et rouges. Il criait, observant l'horizon à travers les yeux de sa folie. De nouveau les souvenirs vinrent le ravager, le détruire un peu plus.

Sa vie n'avait pas de but. Ceux qu'il s'était fixés n'avaient finalement servi qu'à tuer le temps.
Il n'avait plus d'âme, il tuait sans jugement, détruisait tous ceux qui lui barraient la route sans sentiments se forçait-il à croire. -Selon ce qui lui avait été enseigné à coups de bâtons, de chaînes, de griffes et de crocs-
Ces blessures physiques infligées trop tôt pour un jeune esprit, étaient devenues spirituelles.
Il hurla et tira de nouveau, mais il était bloqué. Il baissa la tête frissonnant sous la pluie.
Où était il? Il ne le savait pas. Depuis combien de temps était il là? Il ne le savait pas non plus et il n'en avait cure.
On l'observait.
Il releva la tête. L'enfant était là. Il le savait. Il l'attendait. Sa chimère : sa chère chimère était revenue...

- Maïtaga...
Cet être né de la Mort ne l'avait jamais abandonné. C'était le seul. Il n'était pas comme les autres. Tous avaient tenté de le détruire, tous, sauf lui.
Et cela selon l'elfe noir pouvait s'expliquer simplement :
"Maïtaga n'était pas un vivant. Tout simplement. Seuls les vivants détruisent. Les morts ne font que surveiller."
Il rebaissa la tête.

- Non mon maître...

L'enfant s'approcha, releva le menton du nécromancien, et fixa son regard, aux yeux dorés mais dépourvus d'espoir. L'elfe noir regarda ceux de l'enfant.
Noirs aux pupilles blanches, caractéristique des créatures issues de la nécromancie. Caractéristique des créatures vivant dans un corps mort.
Le petit visage se mit à sourire avec amour et prit la tête de son seigneur afin d'y déposer un baiser sur le front.

-Non mon maître vous faites fausse route. Si je ne vous ai jamais trahi, c'est parce que je suis vous!

Le temps se figea, bloquant un moment la situation.
Puis le regard du nécromant s'éteignit, il perdit connaissance.
La petite chimère à l'apparence d'enfant défit les liens avec une facilité déconcertante et avec une force impressionnante puis pris la forme d'un centaure adulte afin de pouvoir s'enfuir et porter son roi aisément.

Ce jour là, avant de s'endormir, Rödschrek comprit quelque chose d'important qui redirigea en partie sa vie :

Il n'avait pas perdu son âme.
L'enfant qu'il avait crée puis fait grandir normalement... L'enfant à qui il avait tenté de donner une vie heureuse. Voilà où était son âme. La solitude devint alors plus dur à supporter, mais dès lors il se jura de le protéger du mieux qu'il pu. Pour lui donner un petit bout de bonheur, et se faire une petite place à lui, quelque part, dans son monde ou même la mort libératrice lui était interdite.